Les choses s'arrangent mais ça ne va pas mieux.

Publié le par Lectaritude et zôtres critures

 

« Les choses s’arrangent mais ça ne va pas mieux »
Auteur : Kate Atkinson
Pays : Angleterre
Genre : Roman
Editeur : Editions de Fallois
Date : Septembre 2006
Avis : «««««
 
 
J’ai découvert Kate Atkinson avec la souris bleue, cet excellent Roman policier qui met en scène le détective Jackson Brodie, aux prises avec plusieurs enquêtes simultanées. Le Roman, très efficace, happe le lecteur et l’entraîne dans des histoires complexes et étourdissantes. Les drames sont poignants, mais n’empêche pas les passages désopilants. La souris bleue, ce sont aussi des ambiances et le regard caustique d’un auteur sur l’Angleterre moderne. Jackson en anti-héro nous fait partager son quotidien, se démenant avec son divorce, l’éducation de sa fille, son travail de détective et ses clients. Dans l’une des enquêtes, Kate Atkinson, nous propose un exercice d’archéologie policière. Jackson investigue en effet sur la disparition d’Olivia, une petite fille qui s’est « évaporée » quelques décennies plus tôt. Le détective est mandaté par les trois sœurs d’Olivia, dont une certaine Julia, un poil nymphomane, qui flirte avec lui …
 
Bref, bref, bref … quand j’ai vu ce nouveau roman de Kate Atkinson chez mon libraire favori, je me suis jeté dessus, sans même lire la quatrième de couv (pas bien faite, mais c’est rarement bien fait !). Après un bref résumé, l’éditeur évoque la souris bleue, relatant les éloges de la presse à l’époque de sa sortie … pas grand-chose sur le roman lui-même.
 
Le récit débute assez simplement, par un accrochage apparemment anodin entre deux automobilistes, sauf que l’un des deux essaye de tuer l’autre à coup de batte de baseball. L’agressé ne doit son salut qu’à l’intervention de Martin, un écrivain de romans « de gare », qui, ne sachant que faire et désireux d’intevenir, jette son ordinateur portable à la tête de l’agresseur.
 
D’autres témoins sont extraits par l’auteur, gloria une femme de soixante ans et notre détective Jackson (oui oui celui de la souris bleue) qui passait par hasard.
 
Kate Atkinson se met alors en devoir de nous dépeindre ces 3 personnages (leurs vies, leurs œuvres) sur près de 300 pages, prétexte à aborder quelques réflexions sur le monde d’aujourd’hui.
 
Martin donc en écrivain de deuxième zone, qui au fil des romans qu’il publie, fait évoluer un personnage désuet. Introverti, le genre « handicapé de la vie - deux de tension », un vrai gentil qui se retrouve dans des situations inextricables aux prises avec tous types de parasites, parce qu’il ne sait pas dire non. Initialement prof de religion (ça ne s’invente pas !), il arrive à l’écriture par hasard, dans un sursaut de bravoure.
 
Gloria, la soixantaine active et flamboyante, dépeinte comme une femme cultivée et moderne (elle achète sur ebay et se fait un petit spectacle de temps en temps). Elle est la femme d’un promoteur immobilier, corrompu et pourri à souhait.
 
Et enfin, Jackson Brodie en retraité fortuné (il a hérité quelques millions d’une de ses anciennes clientes), coulant des jours presque heureux dans le sud de la France avec Julia (celle de la souris bleue). Julia est devenue actrice dans une troupe de théâtre semi-professionnelle financée par la fortune de Jackson. Ils sont en Angleterre pour permettre à la troupe de se produire dans un festival.
 
L’auteur s’en donne à cœur joie sur les thèmes de société : Avec Martin on aborde les dessous d’une certaine littérature populaire, avec Gloria une vision de la femme dépendante financièrement, pleine d’amertume et de regrets qui découvre au fil des pages à quel point son mari est un « salaud ». Digression sur l’infidélité, la prostitution venue de l’est, les pratiques de l’immobilier et l’argent sale. Avec Jackson, en jeune retraité qui s’ennuie ferme, désœuvré, qui ne s’intéresse à rien, ayant la nostalgie de son métier, l’évocation des problèmes de couple, et enfin un tableau vitriolé d’un certain théâtre avant-gardiste.
 
A ce stade on est déçu. On ne retrouve pas les intrigues complexes et haletantes de la souris bleue. C’est une peinture satyrique de la vie contemporaine britannique (c’est d’ailleurs dit sur la quatrième de couverture) au travers de l’analyse des trois personnages. La déception est liée à l’attente que l’on a, en débutant l’ouvrage. Le livre n’est pas ce que l’on attend. Et c’est bien là qu’est le problème, car ces 300 pages ne sont pas mauvaises du tout.
 
Au grès de ses pérégrinations touristiques en attendant Julia qui répète sa pièce, Jackson découvre une jeune femme morte. C’est le début du policier. Un quatrième personnage fait son apparition : Louise le flic, fille mère un peu névrosée, elle aussi en proie à des doutes et à un quotidien pas facile, coincée entre son adolescent de fils, son métier, ses ressentiments vis-à-vis de sa mère. Tout sauf un flic implacable et parfait…
 
Et là, le roman décolle et l’auteur nous entraine dans une histoire incroyable. Des fils se nouent oubliés au grès des pages qui précèdent, pour alimenter une trame riche et complexe, jusqu’au feu d’artifice final. Les 100 dernières pages sont palpitantes. Ca y est, on a reconnu l’auteur de la souris bleue ! Les personnages évoluent et ne sont plus tout à fait ce qu’ils paraissaient au début de l’histoire. Martin par exemple, qui « flash-back » souvent sur un voyage en Russie, entrepris pour trouver chaussure à son pied, et qui tout handicapé de la vie qu’il est, trouvera tout de même la ressource pour balancer du septième étage, le cadavre d’une prostituée qui s’était tuée par accident dans sa chambre.
 
Finalement, ce roman me trouble. Je ne sais dire si je l’ai aimé ! Et c’est le prétexte d’une petite broderie sur le thème « quel lecteur suis-je ? » et par extension « quel lecteur/lectrice êtes-vous ? ». « Les choses s’arrangent mais ça ne va pas mieux » est présenté comme une suite de la souris bleue (enfin tout le laisse croire dans le résumé au dos du livre). Ce n’est pas le cas, et cette erreur de jugement a parasité ma lecture jusqu’au 2/3 du livre. Je trouvais le récit lent, tardant à décoller. Mais Kate Atkinson, n’a pas fait une suite. Elle propose un bouquin tout à fait différent. A la réflexion c’est assez intéressant : Elle surprend, elle est là ou on ne l’attend pas. C’est un moyen de progresser sans se trahir (le dernier tiers du livre est conforme à l’attente de départ). C’est une façon de ne pas toujours « faire pareil », à la manière d’une Fred Vargas qui nous offre des policiers superbes (le mot n’est pas trop fort) mais tous très similaires dans les histoires, dans les personnages qui se ressemblent, et dans les ambiances. J’ai d’ailleurs lu récemment, qu’elle se lasse un peu, et souhaite diversifier son œuvre en se lançant dans le scénario de bandes dessinées. (Quelle bonne idée !).
 
Revenons au propos : « quels lecteurs sommes nous ? », face à un auteur que l’on connaît (un peu ou beaucoup), face à nos attentes stylistiques et narratives, face à ses envies à lui d’écrire ou pas dans la lignée de ses ouvrages précédents. L’auteur s’appartient-il ? Ou appartient-il à son lectorat ?
J’ai bien un embryon de réponse, que j’exprimerai dans un parallèle sur la musique : Est-il préférable d’être un David Bowie réinventant la pop musique à chaque nouvel album, toujours novateur avec trois longueurs d’avance sur les autres, au risque de s’égarer parfois (« outside »), ou bien un Marc knopfler qui décline depuis 20 ans la même chanson. La manière dont je formule la question induit naturellement la réponse que j’y apporte. Mais dans ce cas, pourquoi suis-je finalement déçu à la dernière page de « Les choses s’arrangent mais ça ne va pas mieux » ?
 

Publié dans Romans étrangers

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A
j'ai beaucoup aimé la souris bleue et celui ci ne m\\\'a pas l\\\'air mal non plus. <br /> Fred Vargas s'est déjà essayée à la bd, je n\\\'ai plus le titre en tête mais ce fut  décevant ( à mon avis) , de plus ses personnages récurents sont nombreux et leur importance alterne selon le livre, ce qui demeure dans ses romans c\\\'est l\\\'ambiance, l\\\'atmosphère, qui me plaisent et dont je ne me lasse pas. S\\\'en lasse t elle, arrive t elle à écrire autrement ou se désepère t elle à ne pouvoir écrire autrement? Dommage en tout cas, moi j\\\'adore
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A
j'ai beaucoup aimé la souris bleue et celui ci ne m'a pas l'air mal non plus. <br /> Fred Vargas s'est déjà essayée à la bd, je n'ai plus le titre en tête mais ce fut  décevant ( à mon avis) , de plus ses personnages récurents sont nombreux et leur importance alterne selon le livre, ce qui demeure dans ses romans c'est l'ambiance, l'atmosphère, qui me plaisent et dont je ne me lasse pas. S'en lasse t elle, arrive t elle à écrire autrement ou se désepère t elle à ne pouvoir écrire autrement? Dommage en tout cas, moi j'adore
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