Soumission

Publié le par Lectaritude et zôtres critures

Houellebecq qui commet un nouveau forfait ! Voilà qui ne pouvait que me tirer de ma torpeur de non-lecteur momentanée - la faute à pas le temps – mais c’est souvent une excuse, on est d’accord. Je n’avais pas fait l’effort pour le dernier Murakami, c’est dire si Houellebecq occupe une place à part dans mon Panthéon personnel.

En regard de la rareté de mes incursions dans la sphère littéraire, à mon envie « défendante », tu peux imaginer lecteur à quel point je me pourléchais les babines à l’idée de savourer ce nouvel opus de la comédie humaine façon michou, me remémorant avec une émotion non feinte, une perle lacrymale au coin de l’œil, les particules, plateformes, et autres îles et cartes du même acabit, qu’en d’autres temps j’affectionnais.

Et là, paf, comme un pire matin ou tu t’éveilles avec une enclume à la place du cerveau, où des brumes éthérées transforme l’ampoule de ta salle de bain en halo océanique vu du paquebot qui mire le phare, paf, disais-je, tu sors de cette lecture avec la tronche de bois et la gueule de travers.

Un Houellebecq médiocre, comment est-ce possible ?

Médiocre, médiocre, le mot n’est-il pas un peu puissant ? Nous verrons…

Alors, entendons-nous bien, l’gazier a conservé intacte sa plume polymorphe toujours très enlevée encore que de plus en plus policée, je le déplore – je l’avais déjà noté dans « la carte et le territoire » – mais se commet dans un ouvrage dont le sujet flirte avec une vision fantasmée et convenue du sujet qu’il aborde.

L’intrigue met en scène l’islamisation de la France et de l’Europe par voies démocratiques, c’est là peut être son originalité - une idée chère à une certaine frange de cet Islam radical dont on nous rebat les oreilles sur les ondes à longueur de journée - dans une fiction volontairement outrancière, sans aucun doute.

Mais, et c’est là ma première réserve, en une poignée de pages, et en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire, le nouveau pouvoir fraîchement élu, instaure des changements radicaux dans la société, comme si des siècles de jacobinisme pouvaient être balayés ainsi, sans l’once d’une opposition, sans la moindre onde de protestation.

L’invraisemblance du scénario est patente.

Ce qui me gêne, ce n’est pas tant qu’il éradique d’un trait de plume, voltaire, le fait qu’on ait tranché la tête du dernier faiseur de clef connu, la révolution, … et deux trois fariboles du même tonneau - c’est finalement une posture pour développer autre chose – non ! Ce qui me gêne c’est qu’il propose une vision caricaturale où le trait est forcé à l’excès. MH caresse le badaud ébahi tendance front national, dans le sens du poil.

Alors le romancier a tous les droits, y compris celui d’écrire une intrigue invraisemblable, c’est un fait, et il est écrit nulle part dans le précis du bon romancier-philosophe qu’il faut inscrire sa narration dans la réalité. Mais alors, pourquoi précisément la situer dans notre réalité du moment, celle-là même qu’on peut mater à longueur de journée sur les BFMTV en tout genre, avec les mêmes bipèdes qui animent nos écrans cathodiques et qui nous pettent les esgourdes chaque matin dans les embouteillages, quand l’honnête citoyen que nous sommes tous, se met en devoir de s’intéresser un tant soit peu aux bouffons qui nous gouvernent, par le prisme exhaustif et un tantinet répétitif de notre France info nationale ? Nul ne sait. Au passage l’ami Houellebecq nous fait partager ses amitiés et ses inimitiés, ses engouements et ses dégouts politiques. Je serai Francois Bayrou, dépeint en cuistre décérébré et opportuniste, je l’aurai mal pris.

Une vision caricaturale disais-je … illustrons !

Adieu robes, jupes, enseignants laïques, bienvenu dans le monde d’une charria édulcorée, où l’école devient islamique à défaut d’être coranique, les femmes en pantalon, et la polygamie le vecteur de la renaissance d’une tendance patriarcale revendiquée de la société. Adieu veau, femme libre, cochons … Bienvenu dans le nouveau monde où l’on épouse plusieurs femmes, une pour chaque usage !

Houellebecq se met en mode rafale et nous délivre des clichés à tour de bras.

A quelle fin finalement ? Lui qui pose habituellement un regard acéré, souvent juste, sur le monde contemporain et ses travers, qui digresse à l’envie et brillamment sur le devenir de l’homme et de l’humanité, semble tomber cette fois dans une trivialité de vue assez étonnante, surfant sur l’air du temps dans ce qu’il transbahute de pire.

Pourtant les codes sont respectés. Le personnage central, un professeur de littérature, est parfaitement Houellebecquien : un rien nihiliste, en proie aux doutes existentiels et aux affres et turpitudes habituels de ses héros précédents, sans doute une nième réplique de lui-même.

Nonobstant, MH lui met en bouche quelques belle réflexions sur le temps qui passe, la solitude, la décrépitude, l’amour, le couple, la religion, la dictature administrative … c’est, « as usual », finement observé et globalement juste, mais ça n’est pas suffisant pour renverser la tendance et l’impression générale de facilité.

La fin du roman est plus plaisante. Houellebecq sort de l’ornière narrative et développe quelques thématiques plus philosophiques (Dieu, le bonheur, …). Quelques extraits choisis qui résonnent ou dissonent chez moi …

Lecteur c’est mieux que le jeu des 7 énigmes : Sauras-tu trouver ce qui résonne et ce qui dissone ? et ce qui me fait raisonner ? *sourires*

 

 

« Les vrais athées, au fond, sont rares. …/… les seuls vrais athées que j’ai rencontrés étaient des révoltés ; ils ne se contentaient pas de constater la non existence de Dieu, ils refusaient cette existence, à la manière de bakounine : « Et même si Dieu existait, il faudrait s’en débarrasser ».

Il y a au fond de l’humanisme athée un orgueil, une arrogance invraisemblables.

L’idée renversante et simple, jamais exprimée auparavant avec cette force, que le sommet du bonheur humain réside dans la soumission la plus absolue.

Le passé est toujours beau, et le futur aussi d’ailleurs, il n’y a que le présent qui fasse mal, qu’on transporte avec soi comme un abcès de souffrance qui vous accompagne entre deux infinis de bonheur paisible.

Le communisme n’aurait pu triompher qu’à la condition d’être mondial. La même règle valait pour l’islam : il serait universel ou ne serait pas.

A force de minauderies, de chatteries et de pelotage honteux des progressistes, L’Eglise catholique était devenue incapable de s’opposer à la décadence des mœurs. De rejeter nettement, vigoureusement, le mariage homosexuel, le droit à l’avortement et le travail des femmes »

 

 

 

En conclusion, j’ai modérément apprécié l’bestiau, comme je crois l’avoir bien explicité. C’est plus le reflet d’une désillusion. Le qualificatif de médiocre est excessif, c’est un Houellebecq pas un Musso, n’exagérons rien.

Au-delà du thème et de la manière, ma critique ultime pourrait se formuler ainsi : derrière des atours alléchants sur la forme - l’idée est intéressante – il n’a su se départir d’une forme de trivialité dans le postulat véhiculé, il n’a su s’extraire d’une réflexion stéréotypée sur une thématique qui agite la société actuelle dans tous les sens. Et c’est bien parce que le sujet est cruellement d’actualité que je trouve que le traitement est trop vaporeux, trop attendu, trop conformiste finalement, qui ne sort jamais d’un sentier largement battu par tous les fronts …

Voilà lecteur la chronique d’une déception inattendue.

Publié dans Romans français

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