entre thriller et histoire, Qumran, d'Eliette Abécassis.

Publié le par Lectaritude et zôtres critures

 

 

« Qumran »
Auteur : Eliette Abécassis
Pays : France
Genre : Roman
Editeur : Livre de poche (2004) – Edition originale (1996)
Date : 2004
Avis : «««««
 
 
 
Un roman ésotérique sur fond d’enquête autour des manuscrits de la mer morte. Que voilà un roman peu habituel ! Ecrit méticuleusement et très bien documenté.
 
L’auteur développe avec une lenteur extrême l’histoire principale et digresse en permanence sur des sujets connexes, réflexions sur des thèmes religieux et philosophiques, et que dire des descriptions extrêmement fouillées ! On apprend beaucoup sur le judaïsme et l’orthodoxie, le christianisme  et ses origines. Livre historique aussi, qui décrit les mœurs et les modes de vies sur la période autour de la naissance du Christ.
 
Le récit est principalement mené par un jeune juif orthodoxe, Ary, qui enquête sur le vol du manuscrit principal, celui là même qui est sensé révéler l’origine du christianisme. Les questions posées : « Qui était réellement jésus ? », « D’où vient-il ? », « Quelles sont ses origines ? », …
 
Ne le cachons pas, ce livre est difficile d’accès. Les développements connexes qui jalonnent le roman, qui en font aussi sa richesse, la multitude de personnages et de narrateurs, les réflexions permanentes d’Ary, ralentissent l’intrigue. Il faut avoir de long moment devant soi pour le lire et ne pas perdre ainsi le fil du récit.
 
Le style n’est pas facile non plus. Légèrement suffisant, mais on finit par s’en accommoder.
 
Il faut être courageux, avoir une grande disponibilité d’esprit et du temps pour aller au bout, mais on ne le regrette pas. On en sort instruit sur ces sujets toujours un peu obscurs mais terriblement intéressants. Grande grande richesse de la narration en informations, en descriptions. Le livre aborde par ailleurs largement les fondements des religions messianiques.
 
Dans le flot des réflexions développées, l’auteur s’égare parfois dans des propos à la limite du « n’importe quoi », comme dans ce passage :
 
« Dans le quartier de Carnaby Street (**), des punks promenaient leur ennui à travers les rues. Certains étaient coiffés comme des Iroquois, les cheveux dressés en arc de cercle ou méchés de rose, de bleu ou de violet » Ils avaient des chaînes accrochées à leur jeans et à leurs perfectos troués, ouverts sur des tee-shirts aux slogans agressifs.  Leurs yeux éteints exprimaient une lueur vide sans espoir. Il me vint à l’esprit que ce quartier, semblable à Méa Shéarim (*), par sa population différente, marginale et curieusement communautaire, attendait également la fin du monde. A leur façon, ceux-là étaient aussi les soldats de l’aube nouvelle, les visionnaires de la décadence, les apôtres sacrifiés du temps futur »
 
Comme quoi, on peut faire preuve d’une grande érudition et d’un immense talent sur certains thèmes et affirmer des âneries sur d’autres. Je rassure le lecteur potentiel, ces passages sont assez rares.
 
(*) Méa Shéarim est un quartier de Jérusalem où vivent en communauté très fermée les juifs orthodoxes.
(**) Pour qui connait Carnaby Street qui est une rue de Londres, l’auteur commet une erreur. Méa Shéarim est décrit comme un quartier aux rues très étroites où les gens ne peuvent se croiser et circulent en file indienne. Un véritable dédale de petites ruelles de maisons blanches. A l’inverse Carnaby Street et le quartier qui l’entoure est formé de rues plutôt larges et spacieuses, très commerçantes, avec des magasins « branchés ». Comment Carnaby Street peut rappeler Méa Shéarim ? (même si l'auteur compare les communautarismes des punks et des orthodoxes de Jérusalem, ça ne m'a pas échappé, la différence disons de topologie m'a frappé. Et puis je trouve la comparaison très gonflée et quelque peu déplacée et en tous cas assez fausse. Les orthodoxes sont repliés sur eux-mêmes, discrets et très introvertis (c’est en tous cas la description qui en est faite) épithètes que je n’emploierai pas pour qualifier les punks)) 
 
Pour finir un passage caractéristique  sur les réflexions qui sont mises par l’auteur dans la bouche d’Ary (dans ce passage, une discussion qui oppose le judaïsme et le catholicisme).
 
«  
-         C’était des gens normaux, Ary, des gens normaux. Vous vous terrez parce que vous avez peur du monde extérieur, vous avez peur de vous remettre en question. Vous préférez rester ancrés sur vos certitudes.
-         Je ne suis pas normal, c’est vrai, je l’étais avant selon tes critères.
-         Ta loi nous empêche-t-elle donc de nous aimer ? la mienne est toute prête à t’accueillir. Pourquoi le dieu d’Israël est-il si jaloux ? pourquoi ta religion qui a prôné l’accueil de l’étranger, pourquoi celle qui n’a jamais inventé d’inquisition, de chasse aux sorcières, de déportation et de camp d’extermination, pourquoi se montre-t-elle intolérante à notre égard ? Pourquoi ne voulez vous pas de moi ?
-         Il est interdit de faire des mariages mixtes.
-         Es-tu de ceux qui pensent que les mariages mixtes accomplissent ce qu’Hitler n’a pas fait ?
-         Je crois que les mariages mixtes sont les fossoyeurs de notre histoire.
-         Mais qu’est-ce qu’un mariage mixte ? rien n’est jamais pur, tout est toujours mélangé, un mariage est toujours une alliance, une union de deux différences »

Publié dans Romans français

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